La lettre des compléments alimentaires #2

Vous lisez le deuxième numéro de la Lettre des compléments alimentaires, une nouvelle newsletter pour être à la pointe de l’actualité de la micronutrition. Tous les deux mois, des experts décryptent les données scientifiques pour vous tenir informé des dernières découvertes sur les compléments alimentaires. 

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Pour cette deuxième édition, Thierry Souccar, journaliste scientifique, auteur de plus de 20 livres de vulgarisation scientifique, dont le livre de référence Arrêtons de saboter notre immunité, présente les résultats de 4 nouvelles études. Dans ce numéro également, un focus sur la vitamine C et le rhume.

Vous lisez la lettre des compléments alimentaires de décembre 22.

 

LES NOUVELLES ÉTUDES

 

Étude 1 : Dépression, anxiété : les suppléments de magnésium et antioxydants bénéfiques (Nov. 22)

Les traitements de la dépression et de l’anxiété font généralement appel à la prise d’antidépresseurs. Mais des études récentes suggèrent qu’ils devraient aussi reposer sur des modifications du mode de vie. Parmi celles-ci, quelle est la place de la supplémentation nutritionnelle ? Une méta-analyse d’essais cliniques apporte un début de réponse.

Cette méta-analyse englobant 52 études portant sur 4049 participants. révèle des effets positifs sur les états dépressifs des suppléments de magnésium, zinc, sélénium, coenzyme Q10. Les supplémentations en antioxydants ont également conduit à une amélioration significative de l'anxiété

Conclusion des auteurs : « La prise de suppléments antioxydants est associée à une amélioration des états dépressifs et anxieux, ce qui confirme le potentiel thérapeutique de ces suppléments comme traitement d'appoint des antidépresseurs conventionnels. »

Wang H, et al. Protective role of antioxidant supplementation for depression and anxiety: A meta-analysis of randomized clinical trials. J Affect Disord. 2022 Nov 25:S0165-0327(22)01331-3.

Étude 2 : À quel moment prendre de la créatine quand on fait de la musculation ? (Nov. 22)

La créatine est une aide ergogénique dans les sports de force. Elle favorise la prise de masse musculaire. Certains sportifs préconisent d’en consommer avant l’entraînement, d’autres après si bien que le timing le plus propice est mal connu.

Dans cette petite étude randomisée, en double aveugle contre placebo, 34 athlètes masculins et féminins en bonne santé pratiquants de musculation ont été pendant 8 semaines répartis au hasard pour consommer soit un placebo soit une dose de 5 g de monohydrate de créatine, 1 h avant l'entraînement ou dans l'heure qui suit l'entraînement, tout en suivant un programme hebdomadaire d'entraînement avec des poids.

Les participants ont co-ingéré des doses de 25 grammes d'isolat de protéines de lactosérum (whey) et de maltodextrine avec chaque dose de supplément assignée. La composition corporelle, la force musculaire et l'endurance, ainsi que la traction isométrique à mi-cuisse ont été évaluées avant et après la période de supplémentation de 8 semaines.

Résultats : tous les groupes ont connu des augmentations similaires et statistiquement significatives de la masse maigre (+1,34 kg), du haut (+2,21 kg) et du bas du corps (+7,32 kg) qui se sont accompagnées d’une diminution de la masse corporelle (-1,09 kg), de la masse grasse (-2,64 kg) et du pourcentage de graisse corporelle (-2,85 kg).

Conclusions : La prise de créatine contribue à une augmentation de la masse musculaire, avec diminution de la masse grasse, mais le moment où elle est ingérée n’a pas d’influence sur les résultats. Les résultats de cette petite étude doivent être reproduits dans des essais cliniques portant sur un plus grand nombre de sportifs.

Dinan NE, et al. Effects of creatine monohydrate timing on resistance training adaptations and body composition after 8 weeks in male and female collegiate athletes. Front Sports Act Living. 2022 Nov 16;4:1033842

Étude 3 : Un supplément d’huile de poisson réduit l’inflammation causée par la pollution (Fév. 21)

L’exposition à des particules fines d’un diamètre inférieur à 2,5 μm, issues de la pollution atmosphérique, peuvent favoriser certaines maladies inflammatoires de la peau.

Les suppléments d’huile de poisson sont riches en oméga-3 à longues chaînes (EPA et DHA), qui ont des propriétés anti-inflammatoires. De tels suppléments peuvent réduire le stress oxydatif et les inflammations de la peau provoquées par la pollution de l’air par les particules fines, selon les résultats d’une étude publiée dans leBritish Journal of Dermatology.

Dans cette étude, 65 étudiants chinois en bonne santé, exposés à des particules fines, ont été assignés au hasard pour recevoir une supplémentation avec de l’huile de poisson (60% d’acides gras oméga-3) ou un placebo pendant 4 mois.

Chaque fois que les particules ont augmenté de 10 μg/m3, les taux d’interleukine-1α, un marqueur de l’inflammation, ont augmenté de 15 % dans le groupe placebo mais ont été réduits de 26,5 % dans le groupe huile de poisson ; les taux de protéines carbonyles, autre marqueur de l’inflammation, ont augmenté de 16,3 % dans le groupe placebo et diminué de 5,71 % dans le groupe huile de poisson. Ces résultats suggèrent que l’huile de poisson peut diminuer l’inflammation.

Lin Z, et al. Protective effects of dietary fish-oil supplementation on skin inflammatory and oxidative stress biomarkers induced by fine particulate air pollution: a pilot randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Br J Dermatol. 2021 Feb;184(2):261-269.

Étude 4 : Les personnes qui manquent de vitamine D ont un risque accru de mortalité (Nov. 22)

La carence en vitamine D est associée à une mort prématurée, selon une étude australienne publiée dans Annals of Internal Medicine ; l’étude révèle que plus la carence en vitamine D est marquée, plus le risque de mortalité est élevé.

La vitamine D est un nutriment important pour la santé, notamment celle des os et des muscles, mais aussi la santé immunitaire.

Les chercheurs ont utilisé une nouvelle méthode génétique (randomisation mendélienne) pour explorer les relations entre le statut en vitamine D et la mortalité.

L’étude a évalué 307 601 données individuelles de la Biobanque britannique. Un faible niveau de vitamine D a été fixé à moins de 25 nmol/L, la concentration moyenne étant de 45,2 nmol/L. Sur une période de suivi de 14 ans, les chercheurs ont constaté que le risque de décès diminuait considérablement lorsque les concentrations de vitamine D s’élevaient.

La Pr Elina Hyppönen, auteure principale et directrice du Centre australien pour la santé de l’Université d’Australie du Sud, estime que davantage de recherches sont maintenant nécessaires pour établir des stratégies de santé publique efficaces qui peuvent aider à respecter les directives nationales et réduire le risque de décès prématuré associé à de faibles niveaux de vitamine D.

« Le message à retenir ici est simple : la clé réside dans la prévention, dit-elle. Une action précoce pourrait faire toute la différence. Il est très important de poursuivre les efforts de santé publique pour s’assurer que les personnes vulnérables et les personnes âgées maintiennent des niveaux suffisants de vitamine D tout au long de l’année. »

Sutherland JP, Zhou A, Hyppönen E. Vitamin D Deficiency Increases Mortality Risk in the UK Biobank : A Nonlinear Mendelian Randomization Study. Ann Intern Med. 2022 Nov;175(11):1552-1559.

  

FOCUS SUR... LA VITAMINE C ET LE RHUME

Comment on en est venu à donner des suppléments de vitamine C en cas de rhume

C’est au biochimiste et chimiste américain Linus Pauling que l’on doit la prescription de compléments de vitamine C en cas de rhume. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Pauling est le seul homme à avoir reçu deux Prix Nobel à titre individuel : celui de chimie en 1954, pour sa découverte de la structure du collagène, et celui de la Paix en 1962, pour avoir obtenu l’arrêt des essais nucléaires dans l’atmosphère.

Professeur à CalTech, en Californie, Pauling s’est penché tardivement sur la nutrition. Il y a été amené par les échanges avec Irwin Stone, un autre biochimiste qui travaillait alors sur les besoins humains en vitamine C et préconisait un régime alimentaire supplémenté en vitamine C à hauteur de plusieurs grammes par jour, soit près de dix fois les apports conseillés à l’époque. Selon Irwin Stone, la supplémentation en vitamine C était l’une des clés de la longévité.

Vers la fin des années 1960, quelques études avaient été conduites sur les suppléments de vitamine C en prévention et traitement du rhume, suffisamment pour attirer l’attention de Pauling, qui rassemble les preuves disponibles dans un livre publié en novembre 1970, Vitamin C and the Common Cold (La vitamine C et le rhume).

Linus Pauling y défend l’idée que des suppléments de vitamine C diminuent le risque d’attraper un rhume, et qu’ils réduisent aussi sa durée et sa sévérité. Plébiscité par le grand public, le livre sera violemment attaqué par le corps médical, qui reproche au double Prix Nobel de n’avoir pas suivi d’études de médecine.

Depuis 50 ans, la polémique sur la vitamine C et le rhume ne s’est pas réellement éteinte, aussi est-il important de faire le point aujourd’hui, avec les données scientifiques accumulées.

La vitamine C et l’immunité

La vitamine C agit à tous les stades de la réponse immunitaire. Elle stimule la production d’anticorps, de grosses protéines qui circulent dans le sang et qui vont aller se lier aux ennemis (antigènes) afin de les neutraliser. On les appelle aussi immunoglobulines (Ig).

La vitamine C augmente aussi la rapidité avec laquelle les lymphocytes T et les lymphocytes B se divisent pour donner naissance à d’autres cellules protectrices. Cette vitesse de multiplication, qui est inhibée par de nombreux virus, comme celui de la grippe, est améliorée lorsqu’on prend des doses importantes de vitamine C. La vitamine C augmente également la capacité des polynucléaires neutrophiles à phagocyter les agents infectieux.

Un autre mécanisme d’action pourrait être lié aux qualités antioxydantes de l’acide ascorbique. Pour détruire les germes, les globules blancs les inondent de produits corrosifs : eau de Javel, eau oxygénée et radicaux libres. Mais ces mêmes produits corrosifs peuvent en retour détruire le globule blanc lui-même (c’est l’origine du pus) ! Ces pertes cellulaires peuvent affaiblir la réponse immunitaire. La vitamine C protègerait les globules blancs de leurs propres produits corrosifs, ce qui leur permettrait de continuer à neutraliser d’autres germes.

Ces travaux ont pour la plupart été réalisés sur des cultures cellulaires ou sur des animaux de laboratoire. Mais qu’en est-il réellement en situation réelle ?

A-t-on moins de rhumes lorsqu’on prend de la vitamine C ?

En 1970, sur la base des résultats des études disponibles à l’époque, il semblait clair que l’on a tout intérêt à prendre un peu plus de vitamine C en hiver pour prévenir le rhume. Mais, depuis, de nombreuses autres études ont été conduites, sur un plus grand nombre de personnes, avec des résultats mitigés, qu’il faut donc regarder de près.

En 2007, des chercheurs ont analysé les résultats de 30 de ces études au cours desquelles on avait donné à un total de 11 350 volontaires au moins 200 mg de vitamine C par jour, par voie orale. Par comparaison, l’alimentation apporte en moyenne 100 mg par jour. Conclusion de ces chercheurs : dans la population générale, prendre de la vitamine C n’empêche pas l’apparition d’un rhume. Le risque serait ainsi diminué de seulement 4 %. Seuls bénéficiaires : les sportifs et les militaires, qui peuvent voir leur risque réduit de moitié. Ainsi les personnes soumises à des exercices physiques brefs mais intenses qui prennent un supplément de vitamine C de 250 mg à 1 g de vitamine C par jour 3 semaines environ avant un effort physique peuvent éviter le rhume.

Les chercheurs du groupe indépendant Cochrane ont répertorié en 2013 l'ensemble des études d'intervention sur la supplémentation en vitamine C dans le traitement et la prévention du rhume depuis 1966. Ils ont exclu les études ayant utilisé des doses inférieures à 200 mg par jour et ont ainsi pu réunir 72 études menées en double-aveugle avec placebo, une méthodologie scientifique qui permet de produire des résultats fiables.

Globalement, la supplémentation a réduit le risque de contracter un rhume de 3%, une différence non significative. Néanmoins dans 5 études qui se sont concentrées sur des sportifs de bon niveau (marathoniens, skieurs, soldats), la supplémentation a réduit le risque de 52%, une différence importante. Les chercheurs estiment que cette différence est liée au bénéfice de la vitamine C dans la lutte contre les stress physique ou psychologique.

Que penser de ces résultats ? Qu’il est peu probable, si l’on n’est pas sportif, que l’on puisse prévenir le rhume en prenant des suppléments de vitamine C.

La vitamine C diminue-t-elle les symptômes du rhume ?

En 1999, le Dr Harri Hemilä a analysé 21 études contre placebo qui utilisaient de la vitamine C à la dose de 1 g/jour et plus dans l’espoir de guérir plus rapidement les personnes enrhumées. Dans l’ensemble, la vitamine C administrée très tôt, c’est-à-dire dans les premières 24 h, permet de réduire à la fois les symptômes et la durée de la maladie de 23 %.

La durée des rhumes est significativement réduite par rapport au placebo, dans les études qui ont administré plus de 200 mg de vitamine C par jour.

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Selon la méta-analyse Cochrane de 2013, la supplémentation a réduit la durée des symptômes de 8% en moyenne chez les adultes et de 14% chez les enfants. Chez les enfants, une supplémentation à hauteur de 1 à 2 g par jour a diminué la durée des symptômes de 18%. Les chercheurs constatent aussi qu'une supplémentation chronique, et pas uniquement en cas de rhume, réduit également l'intensité des symptômes.

Les auteurs de cet article déclarent : « Compte tenu du bénéfice de la supplémentation en vitamine C sur la durée et l'intensité des symptômes du rhume, du faible coût et d'une grande sécurité, il semble judicieux de tester l'effet d'une supplémentation en cas de rhume car le bénéfice peut varier grandement selon les individus. »

En 2018, une autre méta-analyse conduite sur des études d'intervention contre placebo suggère qu'en combinant des doses quotidiennes de vitamine C (avant la survenue d'un rhume) à des doses supplémentaires dès le début d'un rhume on pourrait réduire la durée de la maladie d'environ une demi-journée, diminuer le temps de confinement d'environ 10 heures et soulager les symptômes du rhume, notamment les douleurs thoraciques, la fièvre et les frissons. Les chercheurs en concluent que « la vitamine C est thérapeutique dans une certaine mesure ».

En conclusion

La prise de suppléments de vitamine C réduit peu, ou pas du tout, le risque de contracter un rhume, sauf chez les sportifs.

Côté traitement (quand on est déjà enrhumé), les données montrent un bénéfice clair pour les enfants : la vitamine C réduirait chez eux la durée (1,5 à 2 jours de moins) et l’intensité des symptômes à des doses allant de 1 à 2 grammes par jour.

Chez l’adulte, on observe une protection moins marquée, mais qui reste significative. Les auteurs d’une méta-analyse de 2019 estiment qu’en cas de rhume, ce serait une bonne stratégie que de prendre 3 à 4 grammes de vitamine C par jour.

Il existe des contre-indications à la prise de suppléments de vitamine C à dose élevée. C’est notamment le cas lorsqu’on a un risque élevé de calculs rénaux à base d’oxalate. Consultez un professionnel de santé.

Références :

Hemilä H, Chalker E. Vitamin C for preventing and treating the common cold. Cochrane Database of Systematic Reviews 2013, Issue 1. Art. No.: CD000980.

Vorilhon P, Arpajou B, Vaillant Roussel H, Merlin É, Pereira B, Cabaillot A. Efficacy of vitamin C for the prevention and treatment of upper respiratory tract infection. A meta-analysis in children. Eur J Clin Pharmacol. 2019 Mar;75(3):303-311.

Ran L, Zhao W, Wang J, et al. Extra Dose of Vitamin C Based on a Daily Supplementation Shortens the Common Cold: A Meta-Analysis of 9 Randomized Controlled Trials. Biomed Res Int. 2018;2018:1837634.