La lettre des compléments alimentaires #5 - été 2023
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Pour cette cinquième édition, Thierry Souccar, journaliste scientifique, auteur de plus de 20 livres de vulgarisation scientifique, dont le livre de référence Arrêtons de saboter notre immunité, présente les résultats de 4 nouvelles études. Dans ce numéro également : Quels suppléments pour diminuer le risque cardiovasculaire ?
Vous lisez la lettre des compléments alimentaires de juillet 2023.
LES NOUVELLES ÉTUDES
Étude 1 : La choline, essentielle au cerveau
Une revue récente de la littérature scientifique souligne l’intérêt de la choline pour la santé, en particulier cérébrale. « Les investigations précliniques et cliniques ont montré que la supplémentation en choline a des effets bénéfiques notamment en termes d'amélioration de la fonction endothéliale et des performances cognitives. Néanmoins, d'autres études spécialisées sont justifiées pour comparer les différents effets des formes actuellement disponibles de supplémentation en choline. »
La choline est un nutriment essentiel au bon fonctionnement de nombreux organes : foie, muscles et cerveau. C'est un constituant principal des membranes cellulaires et elle joue un rôle vital dans de nombreux processus physiologiques, notamment la protection de l’ADN et la myélinisation des nerfs. La choline donne naissance au neurotransmetteur acétylcholine (ACh), aux phospholipides membranaires phosphatidylcholine (PC) et sphingomyéline, et à la bétaïne, une substance donneuse de groupe méthyle qui intervient donc dans la protection contre la toxicité d’un sous-produit des protéines, l’homocystéine. De ce point de vue, la choline épargne la vitamine B12.
La choline peut être obtenue à partir de l'alimentation, de la supplémentation par méthylation de la phosphatidyléthanolamine en phosphatidylcholine. Les meilleures sources alimentaires sont les œufs ou encore les poissons, notamment saumon.
En 2016, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a fixé un apport adéquat de 400 mg/jour pour tous les adultes en bonne santé.
Parmi les formes de choline disponibles en supplémentation, la citicoline améliore le métabolisme cérébral et possède des propriétés neuroprotectrices chez les animaux et les humains. Dans plusieurs études, rapportent les auteurs de cette analyse, la citicoline a pu démontrer des effets positifs sur les facultés cognitives. La citicoline augmente aussi les niveaux de dopamine dans le cerveau et peut inhiber la recapture de la dopamine, ce qui en fait une ressource potentielle dans les pathologies où les neurones dopaminergiques sont affectés.
Kansakar U, Trimarco V, Mone P, Varzideh F, Lombardi A, Santulli G. Choline supplements: An update. Front Endocrinol (Lausanne). 2023 Mar 7;14:1148166.
Étude 2 : Glucosamine et chondroïtine dans l’arthrose du genou et de la hanche
Dans les essais cliniques, l’association de la glucosamine au sulfate de chondroïtine est efficace pour soulager la douleur et améliorer la mobilité chez les patients atteints d'arthrose du genou souffrant de douleurs modérées à sévères. Des chercheurs russes ont voulu savoir comment cette association se comportait en conditions réelles.
Une étude de cohorte observationnelle prospective multicentrique a inclus 1 102 patients des deux sexes souffrant d'arthrose du genou ou de la hanche. Ils ont reçu des gélules de glucosamine (500 mg par gélule) et de chondroïtine (400 mg par gélule) à raison de 3 gélules par jour pendant 3 semaines, suivies d'une dose réduite de 2 gélules par jour, l’étude ayant duré 54 à 64 semaines selon les patients.
L'âge moyen des patients était de 60,4 ans, la plupart des patients étaient des femmes (87,8 %) et leur indice de masse corporelle moyen était de 29,49 kg/m².
Tous les scores des participants (douleur, symptômes, fonction et qualité de vie) ont démontré des améliorations cliniquement et statistiquement significatives. Le nombre de patients utilisant un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) est passé de 43,1 % à 13,5 % à la fin de la période d'observation. La plupart des patients (78,1 %) se sont déclarés satisfaits du traitement.
Les auteurs concluent que l’association à long terme de ces deux substances est associée à une diminution de la douleur, une réduction du traitement concomitant par AINS, à une amélioration de la fonction articulaire et de la qualité de vie chez les patients souffrant d'arthrose du genou et de la hanche dans la pratique clinique courante.
Lila AM, Alekseeva LI, Baranov AA, Taskina EA, Kashevarova NG, Lapkina NA, Trofimov EA. Chondroitin sulfate and glucosamine combination in patients with knee and hip osteoarthritis: A long-term observational study in Russia. World J Orthop. 2023 Jun 18;14(6):443-457.
Étude 3 : La vitamine D en prévention des infections des jeunes enfants
La vitamine D joue un rôle important dans la fonction immunitaire, et sa carence a été associée à plusieurs infections, notamment des infections des voies respiratoires. Des chercheurs ont conduit une méta-analyse d’études pour connaître l'efficacité d'une supplémentation en vitamine D au-delà de la dose standard (400 UI) dans la prévention des infections chez des enfants de plus de 5 ans apparemment en bonne santé.
Ils ont retenu 7 essais cliniques portant sur un total de 5 748 enfants. Résultats : ils n’ont trouvé aucun effet significatif de la supplémentation en vitamine D sur l'incidence des infections des voies respiratoires supérieures prises dans leur ensemble.
Cependant ils ont constaté une réduction de 57 % des risques de grippe/rhume, de 56 % des risques de toux et de 59 % de l'incidence de fièvre, lorsque la supplémentation quotidienne était supérieure à 1000 UI.
Ces résultats sont basés sur un nombre limité d'essais et doivent être interprétés avec prudence. Des recherches supplémentaires sont nécessaires.
Carboo JA, Dolman-Macleod RC, Malan L, Lombard MJ. High-dose oral vitamin D supplementation for prevention of infections in children aged 0 to 59 months: a systematic review and meta-analysis. Nutr Rev. 2023 Jul 10.
Étude 4 : Le magnésium dans le syndrome des ovaires polykistiques
Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) est la maladie hormonale la plus fréquente chez les femmes en âge de procréer. Il se traduit par une résistance à l’insuline pouvant entraîner des troubles de la fertilité et de la pilosité (hirsutisme), ainsi que des complications métaboliques (diabète). À ce jour, il n’existe pas de traitement spécifique.
Une étude clinique randomisée en triple aveugle a été menée sur 40 femmes âgées de 15 à 35 ans atteintes de SOPK. Les patientes ont été randomisées pour recevoir un supplément d'oxyde de magnésium (250 mg/jour pendant 2 mois) ou un placebo. Les paramètres de l'étude ont été évalués et comparés entre deux groupes avant ainsi que 2 mois et 5 mois après l'évaluation initiale.
Une réduction significative du taux d'insuline et de la résistance à l'insuline a été observée dans le groupe supplémentée. Les suppléments de magnésium pourraient également entraîner une réduction du cholestérol total, des lipoprotéines de basse densité et de la glycémie à jeun, tout en augmentant le niveau de lipoprotéines de haute densité.
L'utilisation de suppléments de magnésium chez les patients atteints de SOPK, concluent les auteurs, « peut grandement améliorer l'état métabolique de ces patients en améliorant la résistance à l'insuline et en modulant le niveau du profil lipidique. »
Il faut noter que la forme de magnésium utilisée dans cet essai est relativement peu disponible, moins que les formes organiques comme le citrate de magnésium.
Shahmoradi S, Chiti H, Tavakolizadeh M, Hatami R, Motamed N, Ghaemi M. The Effect of Magnesium Supplementation on Insulin Resistance and Metabolic Profiles in Women with Polycystic Ovary Syndrome: a Randomized Clinical Trial. Biol Trace Elem Res. 2023 Jul 2.
Étude 5 : Les bénéfices de l’ashwagandha
L’ashwagandha (Withania somnifera) est une plante herbacée commune qui est utilisée traditionnellement pour traiter un large éventail de troubles et d'affections, en particulier les insomnies et certaines maladies chroniques en raison de ses effets antidiabétiques, cardioprotecteurs, antistress et protecteurs de l’articulation.
Une analyse récente s’est penchée sur les effets de l’ashwagandha sur la santé d’adultes en bonne santé. Au total 10 études ont été incluses. Dans l'ensemble, la plupart des études ont rapporté des effets bénéfiques de la supplémentation, et aucun événement indésirable sérieux n'a été signalé. Les suppléments d’ashwagandha ont des effets globalement positifs en particulier sur le stress oxydatif et d'inflammation.
Gómez Afonso A, Fernandez-Lazaro D, Adams DP, Monserdà-Vilaró A, Fernandez-Lazaro CI. Effects of Withania somnifera (Ashwagandha) on Hematological and Biochemical Markers, Hormonal Behavior, and Oxidant Response in Healthy Adults: A Systematic Review. Curr Nutr Rep. 2023 Jul 10.
FOCUS SUR... Les acides gras oméga-3 et la masse musculaire
Protéines et musculation : un duo qui a fait ses preuves pour stimuler la masse et la force musculaires. Mais qui pourrait être insuffisant dans certaines circonstances.
Explications
Il est essentiel de préserver à tout âge la masse et la force musculaires, non seulement pour la silhouette et la lutte contre le surpoids, mais aussi parce que cela conditionne des aspects multiples de la santé, depuis la glycémie jusqu’à la simple autonomie quand on est âgé, en passant par la lutte contre les fractures d’ostéoporose.
La musculation est l'une des meilleures stratégies pour y parvenir, avec une consommation suffisante de protéines alimentaires équilibrées en acides aminés essentiels, en général comprise entre 1,2 et 1,6 grammes par kilo de poids lorsqu’on est pratiquant régulier. Musculation et protéines stimulent des facteurs de croissance, en particulier l’un d’eux appelé mTor, qui ont des effets anabolisants.
Très récemment, la recherche s’est intéressée aux effets des acides gras oméga-3 sur la masse musculaire. Un nombre croissant de preuves montre que les oméga-3 jouent un rôle important dans le maintien de la santé, en particulier pour lutter contre l’inflammation chronique, préserver la santé du système cardiovasculaire et celle du cerveau. Ils pourraient aussi aider à préserver ou retrouver la masse musculaire.
Les oméga-3
Les acides gras oméga-3 sont des acides gras essentiels qui ne peuvent pas être synthétisés par notre organisme et doivent donc être apportés par l’alimentation. Les principaux acides gras ω3 sont :
• l’acide alpha-linolénique ou ALA, le chef de file (noix, graines de lin et de chia, huile de colza…) ;
• l'EPA ou acide eicosapentaénoïque ;
• le DHA ou acide docosahexaénoïque. Notre organisme est capable de convertir l’ALA en EPA et DHA mais les taux de conversion sont souvent insuffisants, surtout avec l’âge et lorsqu’on consomme des oméga-6 en quantité, et il est conseillé d’apporter un minimum d’EPA et DHA par l’alimentation.
Les études
Par exemple, une étude contrôlée menée auprès de jeunes hommes pratiquant déjà la musculation a montré que, par rapport au placebo, les oméga-3 augmentent la réponse anabolique provoquée par l'alimentation protéique seule et l’ajout de la musculation, avec une augmentation de 30 % et 35 % de la synthèse des protéines, respectivement.
Dans une autre étude de 2023, randomisée et contrôlée, des volontaires des deux sexes en bonne santé ont suivi un programme de musculation de 10 semaines, prenant en parallèle soit des suppléments d’oméga-3 (huile de poisson), soit un placebo. Le supplément apportait 4,5 grammes d’oméga-3 par jour : 2,275 grammes d’EPA et 1,575 grammes de DHA.
Dans le groupe « oméga-3 », des gains de force significatifs en squat et développé-couché ont été observés par rapport au groupe placebo.
Comment les oméga-3 agissent-ils ?
L'incorporation d'EPA et de DHA dans les phospholipides des muscles améliore la signalisation protéique qui conduit à l’anabolisme ; elle active aussi la voie de signalisation du facteur de croissance mTOR. Enfin, ces acides gras sont anti-inflammatoires, ce qui a pour effet de diminuer le catabolisme musculaire (dégradation des fibres musculaires). Notre organisme est capable de convertir l’ALA en EPA et DHA mais les taux de conversion sont souvent insuffisants, surtout avec l’âge et lorsqu’on consomme des oméga-6 en quantité, et il est conseillé d’apporter un minimum d’EPA et DHA par l’alimentation.
Comment utiliser ces découvertes
Au-delà de l’intérêt potentiel pour les sportifs, ces découvertes pourraient être mises à profit dans deux types de circonstances au moins.
La récupération musculaire après immobilisation.
Si vous avez déjà porté un plâtre après une fracture ou un traumatisme articulaire ou si vous avez passé une longue période au lit à vous remettre d'une maladie, vous avez probablement souffert d'atrophie musculaire qu’on appelle aussi fonte musculaire. L'amyotrophie musculaire survient lorsque les muscles perdent leur volume en raison de périodes d'immobilisation ou d'inactivité physique. Quand on est jeune, on retrouve assez rapidement sa masse musculaire et sa force peu de temps après l’immobilisation. Mais quand on est plus âgé, il est beaucoup plus difficile de retrouver la masse musculaire initiale, et la force musculaire qui l’accompagne.
Dans une étude, des chercheurs ont donné à de jeunes femmes 5 grammes d'acides gras oméga-3 (3 grammes d'EPA + 2 grammes de DHA) ou un placebo par jour pendant quatre semaines. Ensuite, ils ont demandé aux femmes de porter une attelle sur une jambe pendant deux semaines afin d’étudier les effets des oméga-3 sur la synthèse des protéines musculaires pendant l'immobilisation. Ils ont découvert que les femmes qui avaient pris les oméga-3 avaient perdu environ deux fois moins de masse musculaire après les deux semaines d’immobilisation.
La prévention de la fonte musculaire liée à l’âge (cachexie)
Les oméga-3 semblent influencer la santé et la fonction des mitochondries, qui sont de petites structures cellulaires leur fournissant l’essentiel de l’énergie. Le rendement des mitochondries diminue avec l’âge, et expliquerait à la fois la difficulté pour les personnes âgées à conserver une masse musculaire importante, et leur essoufflement à l’effort. La synthèse des protéines musculaires est un processus énergétiquement coûteux. Les mitochondries fatiguées et dysfonctionnelles pourraient ne pas avoir l'énergie nécessaire soutenir la synthèse des protéines musculaires. Des preuves encourageantes suggèrent que les oméga-3 favorisent la respiration cellulaire dans les mitochondries. Cependant, des études supplémentaires sont nécessaires pour préciser les bénéfices des oméga-3 chez les plus âgés, sachant que dans le cancer, par exemple, les suppléments d’oméga-3 ne suffisent pas à combattre la perte musculaire, même s’ils améliorent la qualité de vie, selon une méta-analyse récente.
En conclusion
Le Pr Chris McGlory (université Kingston, Ontario, Canada), qui a conduit plusieurs des études citées pense que les oméga-3 « sont anabolisants, en particulier chez les personnes âgées, non seulement du point de vue de la synthèse des protéines, mais aussi de celui de l’atténuation du déclin de la masse musculaire. » Les études actuelles sont prometteuses, mais elles sont encore en nombre limitées, sur un petit nombre de participants, et parfois de trop courte durée.
McGlory C, Gorissen SHM, Kamal M, Bahniwal R, Hector AJ, Baker SK, Chabowski A, Phillips SM. Omega-3 fatty acid supplementation attenuates skeletal muscle disuse atrophy during two weeks of unilateral leg immobilization in healthy young women. FASEB J. 2019 Mar;33(3):4586-4597.
McGlory C, Wardle SL, Macnaughton LS, et al. Fish oil supplementation suppresses resistance exercise and feeding-induced increases in anabolic signaling without affecting myofibrillar protein synthesis in young men. Physiol Rep. 2016. 4.
Heileson JL, Machek SB, Harris DR, Tomek S, de Souza LC, Kieffer AJ, Barringer ND, Gallucci A, Forsse JS, Funderburk LK. The effect of fish oil supplementation on resistance training-induced adaptations. J Int Soc Sports Nutr. 2023 Dec;20(1):2174704.
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