La lettre des compléments alimentaires #6 - Septembre 2023
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Pour cette sixième édition, Thierry Souccar, journaliste scientifique, auteur de plus de 20 livres de vulgarisation scientifique, dont le livre de référence Arrêtons de saboter notre immunité, présente les résultats de 4 nouvelles études. Dans ce numéro également : Quels suppléments pour diminuer le risque cardiovasculaire ?
Vous lisez la lettre des compléments alimentaires de septembre 2023.
LES NOUVELLES ÉTUDES
Étude 1 : Les compléments de multivitamines-multiminéraux réduiraient le risque de cancer, mais surtout chez les hommes
Des chercheurs ont voulu connaître l'influence du sexe sur la réduction de l'incidence du cancer par une supplémentation en multivitamines et multiminéraux (MVM). Trois essais cliniques randomisés et contrôlés ont été inclus : les études COSMOS, SU.VI.MAX (France) et Physicians’ Health Study 2 (Harvard).
Au total, ces essais ont porté sur 28 558 hommes et 20 542 femmes. La supplémentation en multivitamines et multiminéraux a réduit de manière significative l'incidence du cancer dans l'ensemble de la population, soit moins 7% en moyenne. Une méta-analyse spécifique au sexe a montré des effets bénéfiques de la supplémentation chez les hommes, avec une réduction significative du risque de 9% ; cependant, aucun effet n’a été observé chez les femmes.
Les auteurs en concluent que « le sexe pourrait influencer l’effet de la supplémentation en MVM sur la réduction de l’incidence du cancer, la supplémentation n’étant efficace que chez les individus de sexe masculin. »
Šelb J, Cvetko F, Deutsch L, Bedrač L, Kuščer E, Maier AB. Personalization matters: the effect of sex in multivitamin-multimineral-based cancer prevention. Geroscience. 2023 Aug 10.
Étude 2 : La vitamine K serait importante pour la santé pulmonaire
De faibles niveaux de vitamine K pourraient affecter la santé respiratoire, et augmenter le risque de développer des maladies pulmonaires selon une nouvelle étude. Dans cette étude transversale sur plus de 4000 personnes, les participants ayant des niveaux de vitamine K plus faibles couraient un risque plus élevé d’avoir une fonction pulmonaire dégradée. Ils couraient également un risque plus élevé d’avoir une maladie pulmonaire obstructive chronique, de l'asthme et une respiration sifflante.
L'auteur principal de l'étude, le Dr Torkil Jespersen : « Nous voulions explorer le sujet de l’influence de la vitamine K sur la fonction pulmonaire, car il pourrait avoir une grande importance pour les recommandations en matière de régime alimentaire et de suppléments vitaminiques, à la fois pour les groupes de patients atteints de maladies pulmonaires et pour le grand public. »
La vitamine K est une vitamine liposoluble qui se présente sous trois formes : K1 (végétaux), K2 (aliments d’origine animale) et K3. Notre corps utilise la vitamine K pour former des protéines qui permettent la coagulation sanguine et soutiennent la structure des os.
La vitamine K intervient aussi dans le maintien de la pression artérielle, la santé cognitive et peut-être la prévention de la résistance à l’insuline et la réduction du risque de diabète de type 2. La vitamine K est facilement disponible dans plusieurs aliments : foie, pâté, fromage à pâte dure, œuf, choux et brocoli, soja fermenté, asperge, persil, lentille, raisin, framboise, myrtille. Certaines personnes peuvent également prendre des suppléments de vitamine K pour garantir un apport suffisant en vitamine K dans leur alimentation. Quelques sources clés de vitamine K comprennent le et l’huile de soja.
Jespersen T, Kampmann FB, Dantoft TM, Jørgensen NR, Kårhus LL, Madsen F, Linneberg A, Thysen SM. The association of vitamin K status with lung function and disease in a general population. ERJ Open Res. 2023 Aug 9:00208-2023.
Étude 3 : Les suppléments de mélatonine auraient une utilité en rhumatologie
La mélatonine est une hormone sécrétée par la glande pinéale. Elle intervient dans le rythme circadien et le sommeil, et les processus inflammatoires, oxydatifs et immunologiques. Des chercheurs ont analysé les résultats de 13 études publiées entre 1966 et 2022 sur la mélatonine et les maladies rhumatismales comme l’arthrose, la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux systémique, l'ostéoporose.
Résultats : l'administration de mélatonine a donné des résultats positifs dans la fibromyalgie, l'arthrose et l'ostéoporose, mais pas dans la polyarthrite rhumatoïde et le lupus. Le supplément était bien toléré avec de légers effets secondaires. Les chercheurs en concluent que la mélatonine est efficace dans certaines maladies rhumatismales.
Cependant, écrivent-ils, plusieurs des études retenues portaient sur un nombre réduit de participants, et de nouvelles études sont donc nécessaires pour élucider le rôle réel de ce traitement en rhumatologie.
de Carvalho JF, Skare TL. Melatonin supplementation improves rheumatological disease activity: A systematic review. Clin Nutr ESPEN. 2023 Jun;55:414-419.
Étude 4 : Un supplément de probiotiques impacte dépression, anxiété et humeur
Une étude randomisée, en double aveugle et contrôlée par placebo a testé un supplément quotidien de probiotiques sur l’humeur de 70 hommes et femmes en bonne santé. La dose quotidienne totale était constituée de 4 × 10 9 unités formant colonie [UFC] soit une dose de 1 × 10 9 UFC de chacune des souches suivantes : Limosilactobacillus fermentum LF16, Lacticaseibacillus rhamnosus LR06, Lactiplantibacillus plantarum LP01 et Bifidobacterium longum04). Au début de l’étude puis après 2, 4 et 6 semaines de supplémentation et 3 semaines après l'arrêt de la supplémentation, les participants à l'étude ont complété un questionnaire portant sur la dépression (BDI-II), l'anxiété (STAI) et l'indice de sensibilité à la dépression de Leiden (LEIDS- R). Les concentrations plasmatiques de cortisol, de dopamine, de sérotonine et de protéine C-réactive (marqueur de l’inflammation) ont été déterminées.
Résultats : chez les personnes supplémentées, les scores BDI, STAI et LEIDS-R totaux ont baissé significativement par rapport à la valeur initiale ( p < 0,05) après 4 et 6 semaines de supplémentation et 3 semaines après la supplémentation, alors qu'aucun changement n'a été observé dans le groupe placebo. Les concentrations plasmatiques de sérotonine dans la MSP ont augmenté par rapport à la valeur initiale après 6 semaines de supplémentation et 3 semaines après l'arrêt de la supplémentation.
Aucun changement dans les concentrations plasmatiques de dopamine, de protéine C-réactive ou de cortisol n'a été observé entre les groupes. Les chercheurs en concluent que la supplémentation en probiotiques a entraîné des améliorations dans plusieurs questionnaires évaluant l'humeur, l'anxiété et la dépression chez des hommes et des femmes jeunes et en bonne santé et qu’elle a augmenté la sérotonine après 6 semaines de supplémentation.
Walden KE, Moon JM, Hagele AM, Allen LE, Gaige CJ, Krieger JM, Jäger R, Mumford PW, Pane M, Kerksick CM. A randomized controlled trial to examine the impact of a multi-strain probiotic on self-reported indicators of depression, anxiety, mood, and associated biomarkers. Front Nutr. 2023 Aug 31;10:1219313.
Étude 5 : Les effets de la supplémentation en zinc sur la taille d’enfants de 2 ans en bonne santé
La carence en zinc est l'une des carences en micronutriments les plus répandues dans le monde chez les enfants par ailleurs en bonne santé ; elle peut affecter leur croissance. Des chercheurs ont examiné les résultats de 8 études évaluant l’effet de la supplémentation en zinc sur les paramètres anthropométriques d’enfants en bonne santé âgés de plus de 2 ans.
Les études, qui ont inclus 1 586 participants, montrent qu’une supplémentation en zinc augmente significativement la taille, le poids, et la taille pour l'âge des enfants participant à ces études, probablement par un mécanisme de neutralisation du déficit en zinc. Les déficits en zinc sont plus répandus dans les foyers où l’on évite les protéines animales.
Monfared V, Salehian A, Nikniaz Z, Ebrahimpour-Koujan S, Faghfoori Z. The effect of zinc supplementation on anthropometric measurements in healthy children over two years: a systematic review and meta-analysis. BMC Pediatr. 2023 Aug 23;23(1):414.
ENTRETIEN.. 6 questions au Pr Michael Holick sur la vitamine D (1ère partie)
Le Pr Michael F. Holick est un endocrinologue américain, considéré comme le plus grand spécialiste mondial de la vitamine D. Ses travaux ont servi de base à des tests de diagnostic et à des thérapies pour les maladies liées à la vitamine D. Il est professeur de médecine au Boston University Medical Center et rédacteur en chef de la revue Clinical Laboratory. Il répond aux questions sur les besoins en vitamine D.
Quel rôle a joué la vitamine D dans l’évolution humaine ?
Pr Holick : Nos ancêtres ont dû développer des types de peau plus clairs au fur et à mesure qu’ils colonisaient l’hémisphère nord, pour continuer à synthétiser la vitamine D sous l’effet de la lumière solaire. Par exemple, nous savons grâce aux analyses génétiques, que les Néandertaliens avaient une mutation de leur récepteur de l'hormone stimulant les mélanocytes et qu'ils étaient donc probablement celtiques et roux. Ils ont donc perdu leurs pigments cutanés pour pouvoir survivre. Sinon ils seraient morts prématurément à cause d’une carence en vitamine D et de l’incapacité de procréer car si un enfant souffre d'une carence en vitamine D au cours des deux premières années de sa vie, les filles ont un bassin plat, un pelvis déformé, ce qui rend l’accouchement difficile, voire impossible.
L’exposition au soleil est nécessaire, mais comment ne pas mettre sa peau et sa santé en danger ?
Je recommande généralement de toujours protéger le visage, le plus exposé au soleil, le plus endommagé par le soleil, mais on peut exposer les bras, les jambes, l'abdomen et le dos. Et plus vous exposez de peau, plus vous produisez de vitamine D, donc moins vous aurez besoin de passer de temps au soleil. Pour éviter les excès, nous avons développé une application gratuite : dminder.info. Vous pouvez l'utiliser dès maintenant n'importe où dans le monde, et elle vous indiquera la quantité de vitamine D que vous produisez en fonction de votre type de peau, de l'heure de la journée, de la saison et de votre latitude. Nous avons intégré dans cette application un message d'avertissement indiquant : « Vous avez produit cette quantité de vitamine D, vous avez maintenant suffisamment été exposé au soleil, protégez-vous avec un écran solaire ou évitez le soleil. »
Beaucoup d’Européens et de Nord-américains sont en déficit à la saison froide. Quel est le taux de vitamine D sanguin optimal selon vous ?
Avec l’Endocrine Society, nous pensons que le taux optimal est compris entre 40 et 60 ng/mL, soit 100 à 150 nmol/L. Je vise, pour mes patients, un taux sanguin compris entre 100 et 125 nmol/L, car nous pensons que c’est la fourchette saine. il y a eu une étude conduite en Afrique qui a montré que les guerriers Maasaï qui vivent en permanence dehors, ont des taux sanguins d'environ 115 nmol/L en moyenne, ce qui nous indique vraiment du point de vue de l'évolution où nous devrions tous nous situer. L’exposition solaire ne permettant plus de synthétiser suffisamment de vitamine D à l’automne, combien de vitamine D devrait-on prendre par voir orale à la saison froide pour parvenir à ces taux ? Nous pensons qu'une dose correcte de vitamine D va de 2 000 à 3 000 UI par jour. C'est ce que je donne à tous mes patients. Personnellement, je prends 3 000 UI par jour. Et si vous êtes obèse, vous aurez peut-être besoin de 6 000 à 8 000 UI.
À ces doses, faut-il craindre une toxicité ?
Nous n’avons observé aucune conséquence, aucune toxicité. Nous avons publié un article en 2009 et avons montré qu'il n'y avait pas de toxicité et que tout le monde était capable de maintenir des taux sanguins sains au-dessus de 75 nmol/L, la plupart autour de 100 à 150 nmol/L.
Concrètement, comment traitez-vous vos patients ?
Lorsqu’ils sont en déficit, je leur prescris 50 000 UI une fois par semaine pendant 8 semaines, ce qui leur permet d’augmenter leur taux sanguin jusqu'à environ 50 nmol/L ou 60 nmol/L voire 80 nmol/L sans aucun risque. Ensuite je prescris à mes patients 50 000 UI toutes les 2 semaines pour toujours, ce qui équivaut essentiellement à 3 000 unités par jour. La raison pour laquelle je prescris 50 000 UI c’est que c’est la seule forme disponible en pharmacie aux Etats-Unis. Cependant, pour ceux qui souhaitent prendre un supplément, je leur dis simplement de se procurer 2 000 UI sous forme de vitamine D3, puis de compléter cela avec une multivitamine contenant 1 000 unités de vitamine D. Ils auront ainsi environ 3 000 unités par jour et cela fonctionne de la même manière.
En France, la référence nutritionnelle pour la population (RNP) est de 15 microgrammes par jour pour les adultes, soit 600 UI.
Références citées :
Chauhan K, Shahrokhi M, Huecker MR. Vitamin D. [Updated 2023 Apr 9]. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2023 Jan-
Holick MF. Vitamin D status: measurement, interpretation, and clinical application. Ann Epidemiol. 2009 Feb;19(2):73-8.
Luxwolda MF, Kuipers RS, Kema IP, Dijck-Brouwer DA, Muskiet FA. Traditionally living populations in East Africa have a mean serum 25-hydroxyvitamin D concentration of 115 nmol/l. Br J Nutr. 2012 Nov 14;108(9):1557-61. Copyright FxMedicine. Droits réservés.
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